Pour une valorisation de tous les secteurs de la traduction

 

Chers lecteurs,

Le 20 avril dernier, la revue Actualitté a publié un article intitulé “Le traducteur, parent pauvre de l’édition” : https://www.actualitte.com/…/le-t….

Naturellement, j’ai lu l’article en question et, après l’avoir lu, quelle conclusion doit-on en tirer? Son auteure ne connaît rien de la traduction technique et elle se permet de dire des phrases du type: « Les secteurs de traduction qui payent le mieux sont… les moins intéressants. La traduction technique – par exemple la notice de votre machine à laver, est plus valorisée que la traduction littéraire, alors même que le travail requiert moins de temps et d’application. De surcroît, des logiciels spécialisés peuvent recracher des tournures apprises par cœur : « Déjà vu », « Wordfast » ou encore « Trados » permettent ainsi au traducteur de tenir un rythme de 1000 mots à l’heure ». Franchement, croit-elle vraiment que la traduction technique requiert moins de temps et de d’application? Est-ce qu’elle sait ce que c’est de faire des recherches terminologiques hyper-pointues? Les logiciels de traduction assistée par ordinateur ne remplacent pas la recherche terminologique et ils ne remplacent pas le traducteur dans le travail « rédactionnel »!

Chère Mathilde de Chalonge, laissez-moi vous dire une chose : lorsqu’on achète un logiciel, un ordinateur, un lecteur de DVD ou un article électroménager, on aime bien avoir le manuel d’utilisateur bien traduit dans sa langue, non? Et quid d’un site internet, d’un contrat ou d’un prospectus publicitaire ou d’un brevet? La traduction technique fait bouger l’économie! Lorsqu’on ne sait pas de quoi on parle lorsqu’on parle de traduction technique, soit on se renseigne, soit on évite d’écrire ce genre d’articles!

Je n’ai jamais fait de la traduction littéraire. Je n’ai jamais eu envie et les contraintes administratives – très bien décrites par l’auteure de cet article – ne m’ont jamais donné envie de m’y mettre. Pourtant, je ne tiendrais jamais des propos inexacts sur un secteur de la traduction que je ne connais pas, comme c’est le cas de la traduction littéraire! Lorsque l’auteure de cet article affirme que les traducteurs techniques sont mieux payés que les traducteurs littéraires, d’où a-t-elle sorti cette information? Dans le secteur de la traduction non-littéraire, il y a tous les cas de figure : il y a des traducteurs très bien payés, d’autres assez bien payés mais aussi beaucoup d’autres qui acceptent des prix très bas, tirant ainsi les tarifs vers le bas! Sans vouloir faire un concours de victimisation, la vie est dure pour les traducteurs littéraires, mais elle n’est pas facile non plus pour les traducteurs techniques, et le fait d’avoir des logiciels comme Trados, Wordfast ou Déjà Vu ne fait pas des traducteurs techniques une caste de privilégiés. En plus, les traducteurs techniques subissent la concurrence des logiciels de traduction automatique, créés par des geeks qui comprennent mieux que personne le fonctionnement des algorithmes, mais qui ne comprennent rien au fonctionnement des langues vivantes.

Il est fort improbable que je traduise un jour le dernier “best-seller” de Dan Brown ou le dernier Goncourt. Et alors? Il n’y a pas de honte à faire de la traduction non-littéraire, quoi qu’en disent certains journalistes et intellectuels. Cette distinction idiote entre traduction littéraire et traduction technique est un faux débat créé par les gens extérieurs au métier et je vous assure qu’il n’y a pas de “guéguerres” entre les traducteurs littéraires et techniques – il suffit de visiter les forums de traducteurs pour s’en apercevoir. J’ai un profond respect pour mes confrères et consœurs qui traduisent de la littérature. Quel plaisir de pouvoir lire des romans comme “Le maître et Marguerite” de Mikhail Boulgakov ou “Militär Musik” de Vladimir Kaminer, alors que je ne parle ni le russe ni l’allemand! Cependant, faut-il jeter la traduction technique aux orties? Lorsque je traduis un manuel d’utilisateur d’un produit, j’aide le fabricant à le vendre et l’utilisateur à bien s’en servir. Lorsque je traduis un site internet d’une entreprise, je contribue à l’internationalisation de l’économie. Lorsque je traduis une recette de cuisine, je partage un savoir-faire culturel. Lorsque je traduis des consignes de sécurité d’une entreprise, je contribue à la protection des travailleurs de cette entreprise. Je me sens utile, car je rends service aux entreprises et aussi aux particuliers.

Franchement, il est plus que temps de mettre fin à ces distinctions stériles et valoriser tous les secteurs de la traduction, car il n’y a pas de spécialisations plus ou moins “nobles” dans le domaine de la traduction.

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